Bernard, l'Africain... SUITE

Publié le par Sylvain Saint-Martory


Suite à l'envoi de la lettre du 4 courant aux « Grandes  Gueules » de RMC Info pour dénoncer la naïveté et l'incompétence des animateurs de l'émission, parce qu'adeptes de « tout et son contraire », je retrancris ici l'intégralité du texte annexé à ce courrier pour donner une  image de Bernard-Henri Lévy, qui devrait suffire à le disqualifier comme donneur de leçons de morale aux Autres  :

(BHL) Une imposture française, Deuxième partie, Chapitre 3, extraits:

« L’homme qui exploitait la forêt africaine, mais qui ne voulait pas que cela se sache. »

L’activité d’homme d’affaires de Bernard-Henri Lévy est un terrain d’investigation qui jusqu’ici n’avait pas droit de cité dans les journaux.

En mars 1998, Entrevue décide d’envoyer une équipe enquêter sur la Becob, une entreprise spécialisée dans le commerce du bois, fondée par André Lévy, père de l’écrivain, et dirigée deux années durant par Bernard-Henri Lévy, seul aux commandes avec sa mère. A la date de l’enquête d’Entrevue, l’écrivain vient juste de revendre l’entreprise familiale à François Pinault. 

Pour savoir comment cette entreprise d’exploitation de bois de trois milliards de francs de chiffre d’affaires a bien pu être gérée par l’icône de Saint Germain des Prés, une équipe de reporters est envoyée en Côte d’Ivoire pour enquêter sur Sivobois, une filiale locale des Lévy.

Les journalistes d’Entrevue arrivent en plein conflit social ! A Sivobois, les travailleurs se plaignent des retards de salaires et leurs banderoles dénoncent des conditions de travail « esclavagistes ». Reste à recueillir les explications de l’écrivain-manager.

Pourquoi les ouvriers ivoiriens ne sont-ils payés qu’irrégulièrement ? Combien rapportait cette filiale ? L’écrivain improvisé forestier s’est-il déjà rendu sur place ? Au téléphone, Bernard-Henri Lévy écoute. L’écrivain tente des réponses convenues. « Et puis soudain, il me dit qu’il arrête tout et, très en colère, me raccroche au nez », se souvient Zemouri.

L’article sur l’écrivain-forestier ne paraîtra jamais. Le lendemain, Hervé Hauss, le rédacteur en chef du magazine, vient trouver les reporters : « Désolé, les gars, mais on ne peut pas publier cette enquête. BHL s’est plaint auprès d’Arnaud Lagardère. Et Arnaud a mis son veto. Oubliez tout. » 

Que cachent de si gênant les affaires de la Becob pour conduire l’écrivain à se mobiliser ainsi pour interdire toute enquête à ce sujet ?
 
Bernard, l‘Africain

Fondée en 1956, l’entreprise de la famille Lévy est progressivement devenue l’un des principaux importateurs de bois précieux. Elle réalise 40% de son chiffre d’affaires en Afrique. Bon fils, Bernard-Henri est très impliqué dans la Becob depuis le début des années 1980. Il s’occupe d’abord de communication interne, puis siège très officiellement comme vice-président du conseil de surveillance, quelques années plus tard. Pour cette raison Bernard-Henri Lévy ne peut botter en touche et attribuer la responsabilité de la gestion de l’entreprise à son seul père. Des années durant, il a participé au plus près à la gestion de l’affaire.

Rien des secrets de l’achat et la vente de bois n’échappe au philosophe, pas même les montages fiscaux via la Suisse, qui caractérisent l’entreprise à cette époque. Entre deux livres, Bernard-Henri Lévy fit office de conseiller de son patron de père. Les deux hommes se parlent tous les matins au téléphone et ils participent tous les mercredis à la réunion du comité stratégique du groupe. Lorsque la Becob commence à battre de l’aile au milieu des années 1980, l’écrivain fait intervenir pour une mission de conseil au sein de l’entreprise paternelle un de ses amis, Aldo Cardoso, futur patron en France du prestigieux cabinet de consultants Arthur Andersen.

Lorsque l’entreprise familiale frôle le dépôt de bilan en 1985-1986, ses relations auprès de Pierre Bérégovoy, puis d’Edouard Balladur, lui permettent d’obtenir de l’Etat un prêt public providentiel de plusieurs dizaines de millions de francs à un taux très avantageux. 

[Pour se justifier, Bernard-Henri Lévy écrira dans L’Express du 10 janvier 2005 :

« J’ai mis à contribution, à l’époque, le pouvoir non seulement mitterrandien mais chiraquien ! Et en plus je l’assume ! Votre père est victime de quelque chose qui ressemble à une injustice ou à une cabale. Vous avez le moyen de plaider sa cause et de l’épauler. Est-ce qu’il y a une raison au monde qui peut vous l’interdire ? »

Comme chaque fois qu’il est en difficulté, le philosophe se place sur le terrain moral. Tout en face n’est qu’injustice, complot, cabale. Lui, bien sûr, est du côté du droit et de la vertu. (cf. remarque 2, page 61)]

Tout naturellement, au décès de son père, l’héritier reprend donc les rênes de la Becob, l’affaire familiale qu’il codirigeait de fait depuis plusieurs années. Pendant deux ans, de 1995 à 1997, Bernard-Henri Lévy s’efforce de se comporter en chef d’entreprise responsable. « Je prenais toutes les décisions importantes », reconnaît-il lui-même. L’intervention de Bernard-Henri Lévy auprès d’Arnaud Lagardère pour censurer l’enquête sur la Becob est donc celle d’un homme parfaitement au parfum des pratiques de la société familiale. Et ces pratiques, justement, ne sont pas glorieuses.

« Des niches mal-aérées »

 Ce dont le magazine français n’a pu témoigner en Côte d’Ivoire, une petite organisation non-gouvernementale de protection de l’environnement va pouvoir le faire au Gabon.

En juin 2000, le Comité-Inter-Association Jeunesse et Environnement (CIAJE) est mandaté par Forest-Monitor – une grande ONG britannique spécialisée dans la lutte contre la déforestation – pour enquêter sur l’impact des activités des entreprises forestières européennes sur la population et l’environnement local.

L’étude se concentre sur trois sites d’exploitation représentatifs du pays d’Omar Bongo. L’un d’entre eux est le chantier MBoumi, où opère la Société de la Haute Mondah (SHM). Pendant quatorze ans, de 1983 à 1997, la Becob, le groupe de la famille Lévy, via sa filiale Interwood, a exploité cette concession de 170.000 hectares. Quelque 200 employés, essentiellement gabonais, y travaillaient.

Pendant plusieurs semaines, les volontaires de cette ONG observent les conditions de travail et discutent avec les travailleurs de cette exploitation forestière. Leur rapport intégré dans une étude englobant toute l’Afrique centrale est accablant. Il décrit les conditions sanitaires déplorables ayant cours dans cette concession.

« Les travailleurs (…) se contentent des ruisseaux et rivières pour s’alimenter en eau. Nous avons fait ce constat à la SHM où les cadres possèdent de l’eau potable par le biais d’un château d’eau aménagé pour la circonstance tandis que les travailleurs doivent parcourir plus d’un kilomètre pour s’alimenter dans une rivière. Ces travailleurs sont exposés aux maladies car cette rivière est polluée par des poussières et d’autres substances. » 
Il existe bien des dispensaires à la SHM mais, selon les enquêteurs, « ils sont dépourvus de médicaments et, pour certains, le personnel employé est incompétent ». Fin novembre 1996, au moment où l’unique patron du groupe s’appelle Bernard-Henri Lévy, une épidémie d’Ebola va même se déclencher à la SHM, faisant quatre morts sur les cinq cas déclarés.

La journée de travail achevée, les employés gabonais de l‘écrivain regagnent leur logement sur la concession. « Les travailleurs sont logés dans des niches mal aérées », note le rapport. C’est un euphémisme. « Les travailleurs étant considérés comme des semi-esclaves, rien n’a été organisé dans le sens de leur épanouissement (...) A SHM, seuls les cadres ont la télévision alors que les travailleurs n’ont ni télé ni radio. Le mot "salle d’écoute" n’est jamais parvenu à leurs oreilles. »

L’éducation des enfants paraît, elle aussi, bien médiocre. « A la SHM, c’est la catastrophe », s’alarme même l’organisation humanitaire gabonaise. Il y a certes une école sur la concession. « Mais les classes sont petites et le personnel incompétent. Pour l’année 1998-1999, le pourcentage de réussite n’a pas dépassé 10%. Cette situation a conduit les travailleurs à envoyer leurs enfants à Ndjolé, qui est à 37kilomètres. »

Bref, voilà un rapport sévère pour Bernard-Henri Lévy, champion des droits de l’homme et ami autoproclamé de l’Afrique noire en déshérence. D’autant qu’il le dit lui-même, «  (en Afrique), il existe des enjeux mégastratégiques ou plutôt métastratégiques (sic), en cela qu’ils engagent notre conception de l’homme et fixent l’idée que nous nous faisons de l’espèce humaine » Cf. Le Figaro, 12 août 2003] 

La conception que l’écrivain se fait de l’espèce humaine se trouve donc décrite de façon peu amène dans l’enquête de cette ONG. Laquelle enquête n’a jamais l’objet du moindre article en France. Un manque de curiosité de la presse pour l’Afrique et les Africains, sans doute. Et puis, tout cela est de l’histoire ancienne : la SHM a été cédée en 1997 par Bernard-Henri Lévy à son ami milliardaire François Pinault, autre industriel du bois, qui n’a pas laissé, lui non plus que de bons souvenirs au Gabon. [Fin de citation]
 
[Au vu de l’ensemble de l’ouvrage de Nicolas Beau et d’Olivier Toscer, voilà un aspect seulement « infiniment partiel » des agissements camouflés de l’individu qui décrète du Bien et du Mal soi-disant absolus, en France tout au moins, avec la complicité coupable des médias en général, et de la vôtre en particulier.
 
Vous ne pouvez pas vous en exonérer, en effet, car vous ne pouvez ignorer ce passage du texte, Mensonges et lâcheté des élites, maintes fois reproduit en annexe de mon abondante correspondance sans réponse. A propos des mensonges du monde, tels que précisés dans le texte, j’écris: « Quiconque ne les dénonce pas, s’en rend complice ! » 
 
Sur le plan de la dissimulation, Bernard-Henri Lévy n’est en rien différent de vous. Il fait culpabiliser la France et les Français sans avoir plus que vous le courage intellectuel de débattre des mensonges et des « croyances au miracle » de la Superstition sous toutes ses formes. Et notamment la superstition moraliste ou moralisme, sur les fictions de laquelle il s’appuie pour lancer ses anathèmes contre tous ceux qui sont susceptibles de déranger ses intérêts partisans, individuels et communautaristes.
 
Voilà pourquoi le « catéchisme de la Shoah », selon l’expression même d’Alain Finkielkraut [Cf. France 2, Entretien avec Alain Duhamel, mars 2001], célèbrera allègrement son centième anniversaire, tandis que la Shoah, ne serait-ce qu’au seul vu des comportements au Proche-Orient aujourd’hui, n’a pas vocation à régir la marche morale de l’humanité jusqu’à la fin des temps, ainsi que je l’ai fait savoir à Bernard-Henri Lévy dans l’une de la quinzaine de lettres, toujours sans réponse à ce jour !
 
Pas très courageux, sur le plan intellectuel tout au moins, tous ces prétendus « vertueux » autoproclamés, dont la caractéristique principale est de reprocher aux « Autres », ce qu’ils ont fait hier, eux-mêmes - voire pire à en juger d’après l’ouvrage de Beau et Toscer - et qu’ils referont à la première occasion où leur intérêts égoïstes de toutes sortes l’exigeront !
 
Vous faites également partie de ces « vertueux », au vu de vos multiples condamnations moralisatrices des « Autres » sur la base de différents catéchismes, qu’il soit musulman ou prétendument universel comme la Déclaration des droits de l’homme dont j’affirme qu’elle se caractérise seulement par son inobservation universelle – sauf à vous ou à quiconque d’établir le contraire à l’aune du devenir du monde depuis près de soixante ans !
 
Toutefois, ce n’est pas moi qui vais vous reprocher votre égoïsme humain, trop humain dans vos affaires d’argent et de célébrité en l’occurrence, puisqu’il est commun aux six milliards d’habitants de la planète - à commencer par « moi » ! Cependant, contrairement à vous, je ne confonds pas la critique des idées « superstitieuses » de la religion, de la métaphysique, de l’idéologie et du moralisme avec la condamnation moralisatrice des « Autres » - j’ai déjà suffisamment à faire avec moi sur ce plan ! ! !]  

 

Publié dans COURRIER "Médias"

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